Le sport, Docteur Jekyll et Mister Hyde
Un stade bondé, joyeux ou une salle pleine, bruyante, vibrante, des jeux de lumières, des fans surexcités, une ambiance de déglingos et des souvenirs pour toute la vie, oui parfois le sport rassemble, fédère et joue un rôle social absolument indiscutable.
Le sport de haut niveau s'est développé au fur et à mesure que nos sociétés de consommation nous ont accordé des moyens et du temps libre pour en profiter.
Au fil du 20 ème siècle, le sport s'est professionnalisé pour devenir le spectacle ultime les soirs de grandes finales qui peuvent rassembler jusqu'à 25 millions de français autour du même évènement. Et le sport n'a pas attendu la mondialisation, il en a été l'un des acteurs, pour rapprocher les peuples, pour les unir autour des champions qu'il a enfanté.
Citius, Altius,Fortius -communiter (plus vite, plus haut, plus fort - ensemble), la formule dont la paternité est associé à un prêtre dominicain d'Arcueil, le père Henri Didon est devenu, selon la volonté du baron Pierre de Coubertin la devise Olympique.
Plus, vite, plus haut, plus fort et c'est là que le bât blesse !!
C'est la face sombre du sport professionnel. A force de vitesse, de puissance, les corps cèdent, plus grave les têtes flanchent.
La semaine dernière, Sébastien Chabal, icône du sport français, révélé notamment lors de la Coupe du Monde de rugby organisée en France en 2007 a brisé le silence :
Je n'ai aucun souvenir d'une seule seconde d'un match de rugby que j'ai joué", a déclaré Chabal (47 ans, 62 sélections avec le XV de France) dans un entretien publié mercredi sur la chaîne Youtube Legend. "Je ne me souviens pas d'une seule des 62 Marseillaises que j'ai vécues", ajoute l'ancien deuxième ou troisième ligne, passé notamment par Bourgoin, le Racing 92 ou le club anglais de Sale.
Chabal, qui ne prononce pas le mot de commotion durant l'entretien, n'a pas consulté de neurologue. "Pour quoi faire, la mémoire ne reviendra pas", déclare le joueur, qui explique ne plus avoir non plus de souvenirs de la naissance de sa fille. "Il y a pas mal d'actions qui sont faites par d'anciens joueurs, des collectifs, parce qu'on a pris un peu des "pète au casque"", reconnaît encore Sébastien Chabal.
Sébastien Chabal n'est pas seul évidement. Avant lui, d'autres comme Thompson le talonneur anglais, champion du monde en 2003, Karl Hayman, le pilier des All Blacks atteint de crise de démence ont témoigné.
Certains, moins connus comme Quentin Garcia, ancien talonneur de Chambery de 28 ans, victime de plusieurs commotions ont été contraint d'arrêter leur carrière, incapable d'avoir une vie normale, séquelle des traumatismes crâniens : "Aujourd'hui, le principal, c'est les maux de tête (...). J'ai deux petites filles, je suis incapable de faire un tour de manège", confie-t-il.
Le fait n'est pas nouveau. Aux Etats unis, le football américain et le hockey sur glace ont depuis longtemps identifié le fléau.
Dans la NFL, le cas du footballeur américain Dave Duerson est devenu un symbole : ancien joueur de la ligue nationale de football américain (NFL), l’athlète a subi de nombreuses commotions qui, au fil des ans, lui ont laissé des séquelles cognitives et émotionnelles sévères (pertes de mémoire, sautes d’humeur, dépression...). En 2012, il a finalement mis fin à ses jours en laissant derrière lui une note dans laquelle il offrait son cerveau à la recherche. Le bilan post-mortem a confirmé qu’il souffrait d’encéphalopathie traumatique chronique (ETC), une maladie dégénérative liée aux commotions cérébrales répétées.
Tous les sportifs victimes de commotions à répétition présentent les mêmes symptômes :
Sur le plan somatique : fatigue, sensibilité à la lumière, nausées, vomissements, problèmes visuels, d'équilibre..
Sur le plan cognitif : perte de mémoire, difficulté pour se concentrer, confusion, lenteur intellectuelle
Sur le plan émotionnel : fatigue, irritabilité, nervosité, somnolence, tristesse, problème de sommeil
On estime de 5 à 9 % le poids des commotions sur l'ensemble des blessures dans le sport.
Plus haut, plus vite, plus fort..Dans chaque discipline, le législateur essaie de prévenir par le règlement (carton rouge pour contact à la tête en rugby, expulsion pour les charge dans le dos au hockey notamment...) mais la société du spectacle commande..Mais c'est un peu l'histoire du gendarme et du voleur lorsque le dernier à toujours un temps d'avance.
Le règlement de ce fléau sera peut être économique lorsque les fédérations -organisatrices des compétitions- seront touchées au porte-monnaie.
En Grande Bretagne, 200 rugbymen ont créé une association pour demander des comptes à leur fédération. Aux Etats unis, des anciens footballeurs ou hockeyeurs sont allés en justice, souvent avec succès.
Docteur Jekyll et Mister Hyde s'affrontent devant les tribunaux. Et le match ne fait que commencer car les commotions seront le mal du siècle dans le sport mondial !
Plus vite, plus haut, plus fort, oui mais jusqu'ou, jusqu'à quand ??
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